Navy Seal Challenge 5 : au bout de ses dernières limites

On est vendredi 20 mai 2016 dans un coin isolé sur un terrain privé à 60 kilomètres de Montréal. Il fait une bonne température, il est 20h passé. Dans 60 minutes commencera une épreuve unique en son genre au Québec le Navy Seal Challenge (5ème édition) organisé par les bootcamps COMEandTRAIN. Cette épreuve a été effectuée la première fois en 2013 puis 2014 et 2015. Directement inspirée des épreuves de sélection des unités militaires les plus prestigieuses à travers le monde, il y n’a que 2 façons pour venir à bout du NSC : effectuer la distance secrète entre 30 et 35 kilomètres, ou alors atteindre les 18h d’épreuves. Une énorme difficulté supplémentaire est imposée aux participants : un jeûne total de 24h avant l’épreuve « pour pouvoir leur rentrer dedans encore plus rapidement » explique un des membres de l’encadrement avec un sourire machiavélique aux lèvres.

Sur le stationnement, les visages sont sévères et la tension est palpable. Les athlètes savent que le taux de réussite est inférieur à 50% et cela malgré la sélection rigoureuse de chacun d’entre eux. En effet, ils ont tous subi un entretien téléphonique sur leur santé, leurs allergies, leur condition physique du moment et leur entraînement hebdomadaire afin de savoir s’ils seront aptes à affronter un tel supplice. Le tournant de l’entretien a surtout été d’exprimer clairement leur motivation profonde et de réaliser à quel point le NSC est une expérience hors norme.

Après avoir remis leurs décharges signées, les athlètes se font expliquer toutes les règles de sureté du NSC dont la plus importante : rien dans le NSC ne mérite de se blesser. Il est maintenant 20h40 et surprise, l’encadrement du NSC annonce que le point de départ est plus profond dans la forêt. Tous les participants doivent se dépêcher pour arriver là-bas avant 21h. Ils sont tous vêtus d’un chandail blanc, se voient attribuer un numéro écrit en gros sur leur chandail (dorénavant ils ne sont plus qu’un numéro). Ils doivent se camoufler le visage et subir une inspection en règle de leur matériel.

Tout d’un coup la dynamique change. Tout l’encadrement devient très vindicatif, les ordres et contres ordres fusent de toute part. Comme l’encadrement n’est pas satisfait de la température clémente, chaque participant est alors amené à prendre une douche froide. Les participants doivent marcher en rang et se voient obliger de porter une multitude de charges dépassant allègrement les 50 lb par individu.

La cohorte part alors dans la forêt noire en direction de la montagne, et ce, éclairée de leur seule lampe frontale. Le rythme de marche extrêmement rapide associé aux lourdes charges fait que la cohorte s’étire rapidement. L’équipe doit maintenant faire face à des pentes abruptes et les cris de mécontentement de l’encadrement n’augurent rien de bon… Il est à noter qu’aucun participant n’a un quelconque moyen d’avoir une notion du temps, cela fait partie des armes de déstabilisation utilisées par l’encadrement.

La première punition tombe : des répétitions d’exercices physiques à un rythme effréné sont à effectuer immédiatement. Les participants ont encore le souffle coupé de leur effort précédent et certains visages sont déjà marqués par l’inquiétude. Tout à coup, surprise, un chronomètre d’un des membres de l’encadrement sonne. Le temps semble se figer mais à la vitesse de l’éclair, il annonce la première épreuve éliminatoire. Là encore un exercice physique exigeant doit être immédiatement réussi ou celui qui échoue devra quitter immédiatement le NSC5.

Dans la confusion qui règne au sein des participants, l’un d’eux fait un faux mouvement avec son matériel et semble s’être blessé. Il est tout de suite mis de côté pour être encadré et son état de santé est vérifié. La sanction tombe : élimination. En effet, dans le doute le personnel n’hésite jamais. L’intégrité physique est prioritaire et il n’y a jamais eu de blessé aux NSC.

Dans les yeux de certains participants venant à peine de finir leur première épreuve éliminatoire et comprenant la réalité de l’élimination, l’inquiétude et la fatigue voient déjà le jour. Toutefois, pas le temps de réfléchir plus longtemps que le temps d’un battement de cil, les hurlements fusent et la marche forcée infernale reprend à un rythme toujours plus rapide. Si certains pensaient que la montée avec charge était difficile, la descente est tout autant exigeante. Les punitions et les épreuves éliminatoires se suivent mais ne se ressemblent pas. Des épreuves horriblement exigeantes s’enchaînent, entrecoupées de projections de poivre de Cayenne, entre autres, car nous ne pouvons pas tout révéler… 500m de bearcrawl sans mettre le genoux a terre plus de 3 fois ou être immédiatement éliminé, porté de partenaire, sprints, carry lourds, etc. À peine deux heures d’écoulée et sur les 16 participants, déjà près de 50% se sont vus éliminés. Le moral est bas et la troupe doit maintenant porter son propre matériel ainsi que celui de tous les éliminés (plus de 100 livres chacun ainsi que des pelles et des marteaux…)!

L’encadrement continue d’aboyer et annonce qu’ils ne nivelleront jamais par le bas, et que vu la piètre qualité de ses participants, cela sera sûrement le premier NSC avec aucun finissant… Mais les visages des guerriers s’enhardissent. Ces mots ont eu un écho positif et a blessé leur orgueil : c’est certain ils se battront jusqu’à leur dernier souffle d’énergie.

Les kilomètres se succèdent pendant la nuit, dont une redoutable marche forcée de près de 5 kilomètres avec plus de 100 livres par participants. Les épreuves éliminatoires s’enchaînent, ainsi que des questions sur les participants entraînant lors des mauvaises réponses des punitions de toutes sortes. L’encadrement est ultra préparé, ils ont une infinité de méchancetés à infliger aux participants quasiment toutes issues d’inspiration militaire. Cet encadrement a à sa tête un ancien gardien de prison issu de groupe spécialisé, un ancien militaire ainsi que des athlètes de tous horizons. Beaucoup d’entre eux ont eux-mêmes subis les foudres de NSC précédents ou encore des expériences d’épreuves sportives extrêmes.

Coup de théâtre : au cours de la nuit les participants sont invités à aller se coucher, ils sont trempés, ils sont affamés et vont avoir le temps de manger un peu. Mais là encore déception : presque la moitié d’entre eux n’arrivent pas à manger, et l’immobilisation entraîne un refroidissement rapide de leurs corps meurtris. Ils comprennent vite que ce repos est une épreuve ou les muscles se refroidissent et l’hypothermie rôde.

Il fait maintenant jour et les hurlements de l’encadrement viennent comme une piqûre s’ajouter au froid et à la douleur de chaque individu. Les participants sont maintenant devenus des machines de guerre, ils font corps avec la douleur et ont choisi de vivre avec cette nouvelle voisine, un lien spécial. Un mélange d’instinct de survie et de combativité est là. L’encadrement appelle cela le « tournant », le moment où le groupe ne fait plus qu’un. Il n’existe plus d’individu mais un groupe indivisible et extrêmement soudé. Ils ne laisseront personne derrière et se battront jusqu’à ce que leurs corps brisent car maintenant leur mental est aiguisé comme une lame et la force du groupe les transcende.

Les épreuves reviennent, mélanges de course, de portés de troncs d’arbre, de bains, etc. Une nouveauté dans les visages autrefois froids des membres de l’encadrement voit peu à peu le jour : le respect. À partir de maintenant seule une blessure stupide ou des crampes pourraient possiblement arrêter cette équipe. La douleur est présente dans chacun des corps des participants et l’encadrement affronte maintenant les projections de poivre de Cayenne avec les participants.

Après environ 14h, l’annonce arrive en plein milieu d’une épreuve : ‘’vous avez réussi le NSC 5’’, un lourd silence tombe d’un seul coup, quelques secondes, puis des cris de joie fusent, des corps s’effondrent et des larmes coulent sur plusieurs visages, les participants se serrent et sautent de joie, l’encadrement se voit gratifier de franches accolades. Les participants sont en état de choc pendant quelques minutes.
Chaque participant (éliminé ou finissant) fera l’objet d’un entretien téléphonique individuel pour faire un ‘’debriefing’’ et mettre en perspective les choses.

Une phrase qui résume bien le challenge : “nous ne sommes pas là pour vous montrer ce que vous ne pouvez pas faire, mais bien pour vous faire réaliser l’étendue de tout ce que vous pouvez accomplir” Le NSC 5 a encore transformé et fait vivre une expérience invraisemblable. L’instinct de survie et la force mentale n’ont aucune limite : il faut juste les apprivoiser.

Texte de : Frédéric Guéveneux