Jesse Bruce : les obstacles de la vie, moteur de sa motivation par Adam Kwitko
Jesse Bruce est un habitué des podiums dans les courses à obstacles de l’est du Canada depuis 2014. Son centre d’entrainement «Alpha Obstacle Training » est un incontournable dans la communauté OCR de Toronto où il forme et motive des athlètes de tous les niveaux. Cependant, malgré ses récents succès, Jesse a dû surmonter un passé difficile pour devenir l’inspiration qu’il est aujourd’hui. Notre chroniqueur Adam Kwitko a rencontré Jesse Bruce pour découvrir les obstacles de la vie qu’il a affrontés, en apprendre plus sur ses activités de bienfaisance et aussi comment il s’y prend pour rester motivé.
Adam Kwitko (AK): Tu écris ou parles souvent des défis que tu as eu à rencontrer dans ta vie, y compris la toxicomanie, le trafic de drogue et des séjours en prison. Peux-tu nous raconter ton histoire avant les courses à obstacles?
Jesse Bruce (JB):
Comme beaucoup de jeunes ici, j’avais une très faible estime de moi. Les sentiments de ne pas m’intégrer, d’être inférieur, plus petit, plus faible, pas aimé ou encore pas assez bon, ont pris le dessus sur moi, je suppose. J’ai alors trouvé un réconfort dans l’alcool et la drogue à un très jeune âge. Je me sentais ainsi comme une personne différente, mais le résultat a été que ma famille et moi avons été détruits. J’ai alors fait une dépression extrêmement grave et j’étais constamment dans l’obscurité. Les drogues et l’alcool étaient la seule façon que je connaissais pour faire face à la vie. Donc, plus j’avais mal, plus je consommais de la drogue et de l’alcool et je suis tombé dans une spirale vers le bas et croyez-moi, j’étais très bas, les plus bas fonds de ma vie.
Je ne mangeais pas, je ne pouvais pas dormir, j’étais si maigre qu’on pouvait voir tous les os de mon corps. J’évitais de me regarder dans le miroir à tout prix, je ne pouvais pas parler à mes parents ou frères, je me suis fait expulser de l’école comme un bon à rien. L’obscurité se transformait en colère et en violence quand je buvais. J’ai perdu beaucoup d’amis et le respect des gens que j’aimais le plus. Je n’aimais rien du tout à propos de moi et je voulais mourir. Chaque jour, je me mettais à genoux et je demandais à Dieu de prendre ma vie au lieu de quelqu’un d’autre qui ne le méritait pas. Je souhaitais remplacer quelqu’un qui souffre d’un cancer pour dire à Dieu que je mérite cela. Donnez-moi la maladie plutôt qu’à eux! Je me tourmentais, pourquoi cet enfant ou cette mère malade et non pas moi alors que je le mérite?
Il n’y a pas une cellule de prison assez sombre dans ce pays pour vous faire comprendre à quel point il y avait de l’obscurité dans ma tête et ça me brise le coeur de savoir qu’il y a tant de jeunes qui vivent avec cette obscurité. Je ne souhaite ça à personne. Les choix que j’ai faits me conduisaient à me sentir de cette façon, mais il y a des jeunes qui vivent avec cette obscurité et qui ne le choisissent pas. Je partage mon histoire et comment je me sentais parce que je juge qu’il est de ma responsabilité d’aider, même si une personne reçoit juste un petit quelque chose, cela vaut la peine d’être partagé.
AK: Comment as-tu réussi à transformer ta vie?
JB:
Soulever des poids était un point de départ pour changer ma vie. Il y avait des poids dans les prisons quand j’étais jeune. J’ai dû prendre environ 20 livres de muscle et ça a finalement été une chose qui m’a fait me sentir bien dans ma peau. J’étais cohérent, j’ai travaillé fort et mon corps a changé. Quand je suis sorti, j’ai amené des amis avec moi à la salle de gym et leur corps a changé. Je voulais devenir un entraîneur pour aider les gens à changer leur vie et, éventuellement, 8 ans plus tard, après beaucoup de hauts et des bas, je suis entré à l’université.
J’ai encore du mal, mais il y a près de 5 ans le 8 août, j’ai cessé de boire et de consommer. Sinon, rien n’aurait changé, j’aurais continué à ruiner des relations et être dans les ténèbres, il y a toujours un risque que je le fasse. La seule chose qui était différente à ce moment était que je voulais essayer plus fort que jamais.
AK: Quels conseils donnerais-tu aux personnes dans une situation similaire?
JB:
Mon conseil pour les jeunes est que nous devons nous-mêmes prendre les choses en mains. Oui je me suis senti comme de la merde et je voulais mourir. Si je ne fais rien pour améliorer ma vie, alors pourquoi serais-je souriant en me promenant? Pourquoi devrais-je me sentir bien quand je ne fais rien pour rendre ma vie meilleure? Chaque décision positive que je prends aujourd’hui me fait me sentir mieux. Il y a beaucoup de choses qui nous contrôlent, beaucoup de forces externes que nous ne pouvons pas contrôler. La vie est difficile alors nous devons sans cesse poser des gestes pour ajouter du bonheur dans nos vies.
Pour moi, ce qui me motive le plus dans l’amélioration de ma propre vie, est le fait que je peux peut-être aider quelqu’un d’autre aux prises avec ce que je vivais ou avec autre chose. Je ne pourrai jamais oublier ces sentiments de désespoir, de tristesse et de culpabilité. Ils vous obsèdent au point où vous ne pouvez même pas respirer. Vous voulez crier, mais vous ne pouvez pas, vous voulez pleurer, mais vous ne pouvez pas, vous vous mettez en boule et vous souffrez. Toutefois, je vous confirme que vous pouvez aider une personne dans cette situation, vous pouvez être la lumière dans sa vie, mais nous devons tous apprendre, y compris cette personne, à nous aimer en premier.
Peu importe ce que vous traversez, peu importe, l’obscurité, il n’y a rien que nous ne pouvons pas obtenir plus par la suite, et rien que le temps ne peut guérir. Il y a des gens qui se soucient de vous et qui connaissent ce que vous allez traverser et il y a des gens que vous ne soupçonnez même pas que vous pouvez aider.
AK: Quel a été le parcours sportif te menant à la course à obstacles?
JB: Je n’ai pas vraiment de parcours précis, j’ai toujours été bon en sport. J’ai commencé à lever des poids et je suis devenu très fort pendant mon séjour en prison de 7 mois (rires) et puis quand je suis entré à l’université à 29 ans, il y avait une équipe de cross-country, dont faisait partie entre autres Lindsay Webster. J’ai essayé et j’ai été sélectionné. Je ne savais pas que l’équipe allait changer ma vie et ça a été la semence qui m’a amené à fonder ma première entreprise “Time For War Fitness”.
AK: Qu’est-ce qui t’a amené à fonder ton gym spécifique pour les courses à obstacles?
JB: Pour moi, le conditionnement physique et les poids ont changé mon corps et m’ont donné de la confiance. L’équipe de cross-country avec de bons coéquipiers avec qui nous avons conquis des courses et des compétitions difficiles ensemble m’a fait me sentir comme si je faisais partie de quelque chose de spécial. Un sentiment d’appartenance que je n’avais jamais pu retrouver. Je voulais donner ce sentiment aux gens, mais je ne savais pas comment jusqu’à ce que je fasse ma première course à obstacles, une « Warrior Dash ». J’ai vu exactement ce que nous voyons encore aujourd’hui. Une communauté de coureurs s’encourageants et des gens incroyablement positifs qui vont conquérir une montagne. J’adore ce que ça représente. Ces obstacles représentent plus que les êtres physiques qu’ils sont. Ils représentent tout ce contre quoi nous avons lutté, ce contre quoi nous combattons encore aujourd’hui, et ce contre quoi nous nous battrons à l’avenir. Nous les vaincrons comme une famille pour devenir plus forts à cause d’eux.
AK: Tu es impliqué dans des organismes de bienfaisance, lesquels?
JB: Je m’implique dans « Covenant House », autant que dans des causes qui touchent les maladies comme le cancer. C’est proche de mon cœur, puisque cette maladie a pris ma mère, je me sens mal et à risque, et je sais que les jeunes qui le vivent de près ou de loin ne reçoivent pas suffisamment d’attention et ont besoin d’aide, de soutien et d’orientation. Je sais que ma propre maman dirait ça aussi.
AK: En 2015, tu as remporté le prix « For Those Who Could OCR Humanitarian Award” aux Championnats du monde d’OCR lors de la soirée d’avant-course pour ton travail de bienfaisance avec « The Covenant House ». Qu’est-ce que ça te fait de voir tes efforts reconnus lors d’un tel événement?
JB: C’était bien d’être reconnu comme ça et surtout pour le fait que des personnes de ma propre équipe m’ont nommé. Mais de façon réaliste, je reçois trop de crédit pour cela. Mon équipe a fait beaucoup et m’a supporté dans tout ce que je faisais. Je voulais faire une campagne de Noël et donner à quelques enfants l’an passé et mon objectif était de recueillir 2000 $ par Noël. Tout le monde a embarqué et nous avons amassé 7000 $ en quelques jours et nous avons été en mesure de faire quelque chose de spécial pour beaucoup de jeunes. C’est à cause de mon équipe que tout est possible et c’est ce qui rend l’armée « Alpha » ce qu’elle est.
AK: Comment penses-tu rester motivé dans tes activités personnelles, professionnelles, sportives et philanthropiques?
JB: Quand je me sens paresseux, je pense aux pires moments de ma vie. Je pense aux gens qui se sentent comme ça maintenant, et je pense que si je continue à pousser et à travailler, je peux faire quelque chose pour les aider, les inspirer ou les motiver. Je perdu beaucoup de temps de ma vie, j’essaie de compenser. Souvent, je pense à ma maman et comment je veux la représenter. Je suis aussi chanceux, car j’ai des frères solides et mon père me supporte. L’Armée « Alpha » me motive grandement aussi. Il est bon de côtoyer cette gang de « rebelles » qui font des choses « folles » ensemble. Je suis béni et la vie m’a donné une opportunité alors j’essaie de faire de mon mieux dans ce domaine.
Photo Credit: BattleFrog, Spartan Race, Alpha OT, 3-Seconds
By : Adam Kwitko | Is an endurance sports journalist and race operations professional. He is an avid OCR racer, trail runner and advocate for mandatory completion OCRs who gravitates to the longer distances. He also consumes large amounts of honey and maple syrup.